Ateliers d’écriture du 15 octobre, extraits.

Atelier d’octobre

1) La porte, c’est le contraire de la fenêtre : on la décrit depuis l’extérieur, il n’y a rien d’autre à voir que la porte elle-même, on ne sait pas ce qu’il y a derrière. On laisse, avant de la franchir, son « dehors », tout en conservant une continuité avec lui. La porte est une transition entre deux univers.

Décrivez une suite de portes, celle de chez soi, du travail, d’un endroit qui vous hante, celle qui ferme votre mémoire…

Jacques

Une porte n’a rien d’une fenêtre.

Elle est massive, elle ne laisse rien transparaître.

Elle est austère et difficile de caractère.

 

Celle de chez moi, je la connais bien.

Elle clôture mon petit univers, celui où je me sens bien.

Elle est ma préférée parce que j’en possède la clé.

Elle donne sur mon jardinet et elle filtre mes pensées, bien mieux qu’une baie vitrée.

 

Rien à voir avec celle du bureau.

C’est du bois pourtant aussi, mais celui-ci a mal vieilli.

Il trimbale des relents d’amertume qui plombent mes humeurs.

J’aimerais voir une fleur, mais la ronce envahissante étouffe mon cœur.

 

Chouette, la vie me sourit.

C’est une porte ouverte sur mes envies.

Le soleil de mon petit paradis.

Zib

1) La porte me fixe, improbable interlocutrice. Massive, elle suinte d’humidité en ce petit matin qui se lève. Le chien gratte à son huis, impatient de rentrer. Je rends à regret la clé des champs et pose ma main sur le froid de la poignée. La porte craque sous la poussée. Elle s’ouvre. Une odeur de moisi m’assaille.

— Ferme la porte. Il fait froid.

La femme est assise dans un recoin sombre, aussi sombre que sa voix est mauvaise. Des relents aigres de soupe m’effleurent, mêlés aux reflux des couches entassées dans la poubelle. Un dernier rayon de soleil s’infiltre par l’embrasure de la porte, soudain irisée de gouttes de lumière. Le chien a plongé le museau dans les croquettes. Je mets ma blouse, pressée d’en terminer.

2) Le chemin est court qui ramène à son antre. Je secoue la vieillerie qui me colle à la peau, me grise des odeurs du printemps, plongée en immersion dans la joyeuse cacophonie de la ville. Des gamins babillent devant la porte de l’immeuble, agglutinés sur le trottoir, les vélos bloquant l’accès. J’enjambe roues et pédales avec mille précautions. Les petits agitateurs ne prennent pas garde à moi. Je suis de chez eux, admise, aussi familière que la porte peut l’être.

Le calme du hall me surprend, frais, illuminé d’une lumière douce et chaude. Mes pieds glissent sur la moquette du couloir. Elle est verte, comme les champs, il n’y manque que les pâquerettes. Un toc-toc au numéro huit. La porte s’ouvre, comme par magie. Je crois qu’elle m’attendait. Je la caresse légèrement, elle m’ouvre grand les bras. Le parfum des freesias me salue. La vive lumière de la baie vitrée me fait un clin d’œil. Mon mari dépose un baiser-gâteau au coin de ma bouche. Je quitte allègrement ma deuxième peau et la pends au portemanteau, dans le placard. La journée de travail est finie, je suis chez moi. La porte du placard claquée attendra demain pour s’ouvrir à nouveau. La véritable journée peut commencer, avant que survienne la nuit.

3) La nuit, elle m’a prise au piège. J’avance à petits pas, si petits qu’ils pourraient retourner en arrière. Ils essaient, même, mais une terrible envie me pousse en avant. Une envie de faire pipi.

Le couloir s’enfonce dans le noir, oubliant la lumière blafarde qui tremblote à l’angle maudit. Ce sinistre couloir tourne vers sa fin. Au fond, aucune échappatoire. Seule, la tête de loup me toise de ses deux mètres cinquante. Moi, toute petite, je prends soin de marcher au milieu, sans toucher les murs qui pourraient m’avaler. Elle est là. Ses carreaux sales semblent m’appeler. Le jour se cache derrière, si haut, projetant dans la rue un vertige. Je tâte et trouve la poignée, vite tournée.

Ne pas trop la toucher. Le froid de la rue s’engouffre dans le couloir par les vitres fragiles. Faire vite. Descendre la marche. Se baisser. Ne pas se laisser enfermer. Poser ses jambes face à elle et pisser. Se reculotter sans regarder sous la cuvette et foncer, traverser cette porte hostile, ce couloir, jusqu’à la porte de l’appartement qui sourit dans la clarté de la lampe. L’ouvrir dans un élan et ne plus en trouver. Elles sont toutes ouvertes. Ouvertes sur les pièces, sur les braillements de mes sœurs, sur les bonnes odeurs de cuisine, sur le poêle à fioul qui ronronne, sur mon chez moi, à moi, et que les araignées aillent se faire voir !

2) Les nuages :

Nous avons (liste non jointe) des mots correspondant au phénomène météorologique, à l’émanation, à la notion de quantité, de malheur. Tissez une histoire avec pour personnages les différents types de nuages. Associez-leur des notions liées aux émanations et à la quantité, au malheur, en fonction de leur « identité ».

Monique

Un cirro-stratus s’étire paresseusement au-dessus de la tour. Il s’élève avec lenteur et s’étoffe en prenant de l’altitude. Ou plutôt : il rejoint ses compagnons, quelques cirro-cumulus qui moutonnent avec la même nonchalance sur un ciel déjà sombre.

Les voilà qui se mêlent, se mélangent, deviennent une seule et même masse nuageuse, gracieuse dans sa monstruosité légère de cumulo-nimbus illuminé parfois d’un rayon du soleil couchant.

Depuis la voiture qui file sur la route, ma fille Sarah pointe du doigt la centrale nucléaire de Dampierre : « oh ! regarde maman ! Un distributeur de nuages ! »

Jacques

Le troupeau avançait d’un pas lent. Le señor météo connaissait son boulot pourtant. Voilà plus de vingt ans qu’il observait le ciel, mais il n’avait jamais rien vu d’aussi troublant. Il interpela aussitôt ses collègues qui se chamaillaient dans l’entrée.

— Regardez-moi ce ciel tourmenté. C’est exceptionnel ! Un troupeau bigarré et mal habillé d’animaux dépareillés.

 

Le cumulo-nimbus conduisait le défilé de son port altier, un peu comme un éléphant qui va vous rentrer dedans. Autour de lui, des petits moutons blancs marchaient sans se retourner, fiers d’accompagner le gros pachyderme.

Des éclairs illuminaient le ciel. On aurait dit des zèbres courant dans la steppe avant la tempête.

Un lion courroucé observait le spectacle, prêt lui aussi à se déchainer. Un cirrus de haute altitude semblant régner sur cet étrange univers !

 

— Pas de doute, c’est un tsunami pour ce midi, s’écria le señor météo. Je n’ai jamais rien vu d’aussi terrifiant ! Prévenez immédiatement la Direction des opérations !

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